Interviews

Rotten Eggs Smell Terrible  – bon ça fait presque 20 piges que je communique avec Ben UVPR et que je vous écoute, du coup, c’est dû à quoi cette longévité ? La vôtre pas celle de Ben ou la mienne !!!

Charly : la musique bien sûr, la chance d’avoir une bonne alchimie entre nous, qu’on est assez sédentaires, qu’on n’est pas grand-chose à faire d’autre de nos peaux, il y a notre public qui a aussi une sacrée longévité et surtout comme l’on dit d’autres, parce que ça nous plaît… ça tient à beaucoup de petites choses. Je connais le secret de Ben mais j’peux pas le dire.

Clément : Ta longévité est tout de même exceptionnelle pour un fanzine… Comme tu l’écris dans l’édito du n°33 : « la jouer collectif », ya pas de secrets, point de salut tout seul dans son coin, c’est ce qu’on a en commun qui nous fait aller de l’avant !

 

Rotten Eggs Smell Terrible – au début vous étiez un groupe plutôt oi ! Skin rock (j’aime pas le qualificatif streetpunk ça fait penser à la merde amerloque des 90s) avec un nom 8°6 crew qui collait bien au truc… en même temps c’est pas la plus working class la 8°6 ?

Charly : Depuis y a eu pire mais ça reste LA classique du genre.

 

REST– vous êtes vite partis vers un registre plus rocksteady… c’est quoi pour toi le « bad bad reggae » ?

Charly : De la musique cool jouée par des mecs pas cool.

Clément : Sur scène, la basse qui ronronne et groove à fond les mannes, la caisse claire qui tape fort dans ta tête, chercher éperdument l’attention de  l’ingé son pour qu’il te monte le volume dans ton retour parce que tu t’entends pas. Là, t’as le bad, le bad, et le reggae !

 

REST – la formation a presque pas changé depuis le début, c’est dû à quoi ? Vous vous disputez quand même, hein ? Rassure-moi !!!?

Charly : Mais grave, on s’engueule,  on complote les uns contre les autres, on en vient même aux mains parfois (ils se reconnaîtront). Mais on n’attend pas la St Valentin pour se dire aussi qu’on s’aime.

Clément : Assez paradoxalement, certains d’entre nous ne sont jamais autant en accord que lorsqu’ils parlent de foot. Impossible pour moi d’y porter la moindre contradiction, je n’y connais rien, à part les travées du stade Bauer.

 

REST – Vous répétez souvent ? Ça doit pas être facile de se retrouver en même temps les cuivres si ils sont pas là… ils feront de l’impro ou du free jazz, ah!ah !?

Charly : Chaque jeudi, fidèles au poste, et les cuivres sont très assidus, c’est les intermittents qui font chier.

Clément : L’impro c’est nécessaire pour composer mais ça va cinq minutes… Le Free Jazz je laisse ça à d’autres, pourquoi pas de la musique concrète non-plus ?

 

REST – en plus vous avez sillonné l’Europe en large en long et en travers ! Tu peux nous causer de ces expéditions, les trucs basiques, le camion, le matos… les galères et puis les bons potes aussi qu’on retrouve en plein désert frigorifié en Europe de l’Est ? (ou ailleurs, j’ai toujours l’impression que l’Europe de l’Est est un milieu hostile!) ?

Charly : En effet c’est hostile, nous on sait pourquoi on y va, mais les potes ??? C’est eux les héros. On s’arrange toujours pour que les conditions météo soit extrêmes, ça rajoute de l’émotion à l’aventure. On a traversé la Slovénie en largeur pour aller à Zagreb, dans une tempête de neige de malade. Quand on a repassé la frontière le lendemain la douanière hallucinée qu’on soit encore vivants…

Clément : Il y fait parfois extrêmement chaud, à l’Est. En juillet 2015 il  faisait 42 °C à l’ombre à Mainz. Un climat jamaïcain, « parfait » pour jouer après The Tennors… Sinon pour la logistique et le temps passer à voyager, il faut savoir apprécier les choses simples de la vie, comme 20h de route A/R pour une heure de concert ; ou encore arriver à 15h pour des balances et jouer vers 3h du matin parmi les gobelets vides, mais un public chaud-bourré !

 

REST – d’ailleurs tu trouves qu’il y a une différence entre le public de notre bo pays et les autres où vous avez joué ? En gros c’est qui votre public ?

Charly : Je pense que les skins sont les plus passionnés donc les plus visibles, mais c’est la partie émergée de l’iceberg notre publique est vraiment large. En Allemagne, tu joues forcément devant un public de rude boys/girls et skins presque exclusivement, c’est parce qu’il y a des concerts dédiés à ce style. En France, on va plus mélanger les genres, pour pouvoir aussi attirer plus de monde. Notre public est varié et cool.

Clément : « You come from everywhere, you come and we don’t care » comme dirait l’autre.

 

REST – là en écrivant l’interview j’écoute le dernier skeud… par rapport au précédent il est plus abouti, tu peux nous causer de la création des titres, vous bossez chacun dans votre coin ou c’est en répèt que vous mettez tout en place ? Le texte arrive avant ou après ?

Charly : On vient avec des riffs, les cuivres ont trouvé des thèmes, on s’est mis dessus, ça peut-être le clavier qui trouve le couplet et une guitare qui trouve le refrain, ou une mélodie au chant. Les textes arrivent (trop) longtemps après…

Clément : Avec Muzo on a proposé à nos camarades des ébauches de thèmes (Ballroom Blitz, Sur le Pick Up, Green and White (à paraître prochainement)), ça nous a tous motivés pour passer à la vitesse supérieure… Chacun y met du sien, d’essais en ratures, restent les idées approuvées collectivement en répète.

 

REST – un grand soin apporté au texte aussi qui est bien mis en avant, en même temps c’est pas du rock festif, c’est quoi qui t’inspire (oui on le lit dans les textes, c’est pour que tu nous racontes plein de trucs sur ce qui te fait chier dans la vie en fait!!!) ?

Charly : ben comme tu vois, un peu tout, ça va de l’injustice pure et dure, au mec qui se gare mal. Comme ça je suis toujours inspiré.

 

REST – j’aime bien le texte sur le parisien (le journal), c’est une super idée !?

Charly : Les éditions du 93. Au café tous les matins on le commente.

 

REST – on a le clin d’œil foot avec le contrôle, et une touche de nostalgie ?

Charly : oui, c’est comme beaucoup d’autres choses qui changent et ne reviendront plus, mais c’est un symbole d’une classe ouvrière spoliée de son sport.

 

REST – ouais c’est ça en fait une touche de nostalgie dans pas mal de textes et puis un peu de pessimisme… tu dis souvent que t’es là pour mettre le doigt là où ça fait mal mais pas pour apporter des solutions… ?

Charly : On joue beaucoup de morceaux mélancoliques. Ca correspond plus à des paroles un peu sombres ou nostalgiques, quand tu entends les cuivres qui pleurent, tu racontes pas tes vacances à Malaga. Si il y avait des solutions ça se saurait. Et après je chanterais quoi ?

 

REST – il y a aussi des textes en anglais, t’as fait anglais première langue ou quoi ?

Charly : On va dire que c’est pas pire qu’avant et que je parle mieux que le Président.

 

REST – Moi je trouve toujours que les disques de UVPR ont un super artwork (comme ceux d’euthanasie d’ailleurs!) tu nous en parles un peu (t’as vu maintenant les caddies sont en plastique!!!) ?

Charly : On a essayé de faire un truc cohérent avec les autres, genre trilogie. C’est toujours Thierry S  qui gère le graphisme avec les idées qu’on lui donne (j’ai vu un poing américain en plastique !!!!)

 

REST – en parlant d’UVPR c’est quand même le label qui vous est proche… cette fois vous avez fait une version CD avec Mass Prod ?

Charly : Oui, c’est la famille nantaise. Mass Prod avait déjà sorti Old Reggae Friends et Bad Bad Reggae/Marseille en CD.

RBT : Il y a une vraie alternance sur le disque entre ska rapide à l’allemande avec une forte présence des cuivres et des titres plus rub a dub, plus reggae. C’est un peu la marque de fabrique du 8°6, mais là le côté revival est encore plus marqué. On pense à Mr Review, à No Sports… C’est une évolution consciente ou vous vous laissez porter par votre inspiration du moment ?

Clément : Moi j’aime beaucoup les titres accrocheurs des Skatalites, principale référence en thèmes cuivre dans le ska pour moi. Viennent bien sûr ensuite des déclinaisons tout aussi excitantes et balaises : Laurel Aitken, Rico Rodriguez, les Specials, Tokyo Ska Paradise Orchestra, Western Special… Je pense qu’avec Muzo on s’efforce de faire simple et direct, et comme les collègues à la rythmique jouent le ska un peu à l’anglaise, Two Tone, tout en jouant très énergique, fort en volume, ça donne un côté bien revival.

Charly : On s’est consciemment laissé porter. C’était le truc qu’on avait envie de faire sur le moment, des chansons plus courtes, c’est un peu ce qu’on a toujours fait mais en un peu plus chiadé. Oui au début du groupe Mr Review était une inspiration pour nous. Il y a aussi les artistes de reggae, de soul et de rock qui nous inspirent…

 

RBT : Qui a eu la bonne idée de la pochette ? (une vraie réussite)

Charly : C’est une photo que Ben avait déjà utilisée avec UVPR Fanzine, elle représente beaucoup de choses, la jeunesse, le groupe, le foot, la mixité, les skins… Ce sont des thèmes qu’on retrouve dans les chansons du disque. Le caddie c’est la surconsommation, le gâchis, toute la merde qu’on veut nous faire acheter ou gober à longueur de temps. Tout est fait pour nous abrutir.

 

RBT : La sortie française sur UVPR c’était une évidence pour vous, ou alors vous aviez d’autres options/envies ?

Charly : C’était évident, ce sont des amis qui font un super taf, aucune envie d’aller voir ailleurs. Vincent Mass Prod gère toujours la partie cd.

 

RBT : Et votre disque est sorti en Allemagne sur Grover Records ? Comment s’est fait le deal ? Comme vous avez souvent un son revival on vous verrait bien sur Pork Pie Records…

Charly : C’était notre tourneur en Allemagne, il savait qu’ont préparait un album. Il voulait le sortir, on lui a dit de se mettre d’accord avec UVPR pour se répartir les zones de distribution ; il a fait un pressage de son côté et UVPR du sien… Et pour être franc les Nantais travaillent beaucoup mieux que les Allemands…

 

RBT : Ouais moi j’ai le cd et effectivement j’ai remarqué. Vous avez fait de la oi ! au début de votre carrière, et de la très bonne oi ! Est-ce que certains membres du groupe ont envie de s’y remettre de temps en temps ?

Charly : Oui, c’est ce qu’on fait avec Survet Skins, il y a cinq gars du Crew dedans. On fait nos compos et les morceaux Oi ! de 8°6 plus quelques reprises. On se produit quelques fois par an.

 

RBT : On sent qu’il y a une scène ska dans le sud ouest avec Ska Fever, les Branlarians, Mampy, la TSF, le festival Rock’n’Stock… De même que dans l’est à un moment (peut-être un peu moins maintenant) avec Two Tone Club, 65 Mines Street, Taste In Vibes, Bobby Sixkiller… Y a rien de comparable sur Paris, si ? On sent pas de proximité particulière entre 8°6 Crew, The Run, Skarface, The Sarah Conors, Jah On Slide et compagnie… A la limite on sent plus d’affinités avec la clique d’UVPR (Lion’s Law, Maraboots…), non ?

Clément : Sans oublier Zone Infinie et Traitre !

Charly : Oui c’est clair, on est beaucoup plus proche de ces groupes, y a pas photo, même si on apprécie les Sarah et The Run. Lion’s Law, Maraboots c’est des gars qu’on côtoie en concert, certains partagent des groupes aussi, comme Komintern ou les Survet. Mais le label est plus une affaire de qualité que de copinage, même si l’un n’empêche pas l’autre.

 

RBT : Vous avez eu l’occasion de jouer assez souvent en Allemagne. Vous étiez notamment au Riverside Stomp en 2015 avec une grosse raya de potes dans le public. C’est un bon souvenir ce festival ? Vous trouvez pas que c’est un autre monde l’Allemagne pour le ska ?

Clément : Il y faisait beaucoup trop chaud…

Charly: C’est un festival où on a l’habitude de venir avec les potes depuis des années, c’est vraiment cool pour commencer l’été. Du coup, quand on a joué, c’était double plaisir, comme dirait l’autre… Oui il y a vraiment une bonne scène là-haut…

 

RBT : Et ailleurs, en Espagne où la scène est très active, en Italie, en Angleterre… Vous n’avez pas de plans pour jouer ? Vous aimeriez y aller ?

Charly : Nan on n’a pas vraiment de plans hélas, on aimerait, bien sûr. C’est dommage qu’on n’ait pas eu plus d’opportunités. Ce n’est pas ce qu’il doit manquer les groupes de ska là-bas.

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